Il
est dit que la Rive Gauche tient à se faire remarquer. C'est
au sous sol de la librairie de l'écrivain Gérard
Mourgue que sont réservées à ses visiteurs
des émotions de la qualité la plus neuve. Elles sont
dues à l'ensemble des émaux sur cuivre de M. Raymond
Mirande, un jeune et certainement un grand artiste. De Bordeaux
(comme Odilon Redon, Marquet et Lhote) cet "artisan du feu" présenté par
M. Jean Cayrol, "expose des rêveries cuites au feu".
Et "c'est un appel royal dans chacun de ses émaux cloisonnés,
champlevés, venu de la calcination et de la cendre".
Ce sont d'heureuses réussites. Mieux, les continuelles victoires
d'un artiste réfléchi doublé d'un poète
devenu le virtuose du moins commun, du plus périlleux des
arts.
M. Mirande connaît tous les secrets et les roueries qui rendirent
célèbres les émaux champlevés de Limoges
et les émaux cloisonnés de Byzance. Il apporte quelque
chose en plus : une résonance personnelle dans la conception
de ses oeuvres, un enrichissement des techniques connues. Vous ne
me ferez pas croire que ce Bordelais "messager de joie" ne
pratiqua pas, comme Seurat et Signac, les écrits de Chevreul
consacrés aux lois physiques des couleurs tant l'on constate
de clairvoyance et d'autorité pour doter ses polyphonies colorées
de l'éloquence que requièrent ses compositions, l'équivalent
des embrasements de midi et des féeries crépusculaires
des vitraux de Chartres.
Regardez le "Visage du Struthof" (sur fond de
sang), le rouge de "La Passion", le "Soleil
levant" ou tel aspect du "Firmament des jonchées
de fleurs"... vous serez conquis par les audaces du coloriste,
par les ressources du goût le plus sûr et d'une imagination
intégrée dans la vie et dans la légende.
-Les Lettres Françaises, 12 mars 1964-
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