George Besson

 

Il est dit que la Rive Gauche tient à se faire remarquer. C'est au sous sol de la librairie de l'écrivain Gérard Mourgue que sont réservées à ses visiteurs des émotions de la qualité la plus neuve. Elles sont dues à l'ensemble des émaux sur cuivre de M. Raymond Mirande, un jeune et certainement un grand artiste. De Bordeaux (comme Odilon Redon, Marquet et Lhote) cet "artisan du feu" présenté par M. Jean Cayrol, "expose des rêveries cuites au feu". Et "c'est un appel royal dans chacun de ses émaux cloisonnés, champlevés, venu de la calcination et de la cendre".  
Ce sont d'heureuses réussites. Mieux, les continuelles victoires d'un artiste réfléchi doublé d'un poète devenu le virtuose du moins commun, du plus périlleux des arts.  
M. Mirande connaît tous les secrets et les roueries qui rendirent célèbres les émaux champlevés de Limoges et les émaux cloisonnés de Byzance. Il apporte quelque chose en plus : une résonance personnelle dans la conception de ses oeuvres, un enrichissement des techniques connues. Vous ne me ferez pas croire que ce Bordelais "messager de joie" ne pratiqua pas, comme Seurat et Signac, les écrits de Chevreul consacrés aux lois physiques des couleurs tant l'on constate de clairvoyance et d'autorité pour doter ses polyphonies colorées de l'éloquence que requièrent ses compositions, l'équivalent des embrasements de midi et des féeries crépusculaires des vitraux de Chartres.  
Regardez le "Visage du Struthof" (sur fond de sang), le rouge de "La Passion",  le "Soleil levant" ou tel aspect du "Firmament des jonchées de fleurs"... vous serez conquis par les audaces du coloriste, par les ressources du goût le plus sûr et d'une imagination intégrée dans la vie et dans la légende.

 
 
  -Les Lettres Françaises, 12 mars 1964-

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